Le Château des plumes

Le Château des plumes

Dans les entrailles de ce singulier « château », l’entreprise Duvets-Cœur de France procède chaque année au nettoyage de plusieurs tonnes de plumes et de duvet issus de vieux édredons tombés en désuétude que même nos grand-mères, de nos jours, n’utilisent plus. Au terme de ce recyclage par ventilation, de nouveaux articles de literie voient le jour, dont les futurs utilisateurs ne se doutent pas du contexte sonore qui a entouré leur préparation.

Si les machines, de fabrication allemande, ont tout d’un château, doté de fenêtres, de coursives, de tourelles et de murailles en bois vernis dressées jusqu’au plafond, elles sonnent plutôt comme un supersonique en vol entendu de l’intérieur. Ce contraste entre la vue et l’ouïe a quelque chose de déroutant, qui associe l’inquiétude à la vue d’un édifice habité par des êtres aux contours flous (le duvet en mouvement, aperçu en transparence à travers les fenêtres) et la sécurité ronronnante du régime sonore.

Le son de ces machines (cf. séquence sonore 1) est celui d’un souffle puissant et grave, auquel se superpose un autre régime de fréquence moyenne, variable, entrecoupée par des décharges brutales d’air comprimé.

Une autre machine (cf. séquence sonore 2) émet des grincements puissants, en total contraste avec la régularité rassurante des sons venus du « château ».

Mais cessons de délirer… Cet univers sonore n’a rien d’unique, dans notre vie quotidienne de citadin ou de « rurbain » : il nous suffirait, bien souvent, de regarder notre environnement ou le paysage à travers le cadre d’un tableau imaginaire pour le voir mais aussi pour l’entendre tout autrement. Ce que voient les peintres et ce qu’expriment les poètes, nos oreilles peuvent l’entendre à leur manière, en exerçant elles-aussi leur part d’imagination.

De nombreux compositeurs ne travaillent pas autrement.